St Paul Basilique St Clément Rome

Basilique Saint Clément à Rome (Mosaïque absidale du XII siècle)

Une histoire de saint Paul, apôtre du Christ, né à Tarse dans les années 5 à 8 après la naissance de Jésus, mort martyr à Rome vers 68. Sa vie bascule un jour sur le chemin de Damas…

Ces petits textes sont rédigés, en feuilleton, pour le journal paroissial trimestriel depuis le n°1 (automne 2019). Les sources :

-       La Parole de Dieu (Actes des Apôtres, lettres de Paul),

-       Alain Decaux  - L’avorton de Dieu – Une vie de saint Paul - Perrin / Desclée de Brouwer 2003

-       John P. Meier – Un certain juif Jésus – Cerf – 5 volumes (en français 2004 – 2018) dont, en particulier, le volume 3 avec un chapitre sur les « concurrents de Jésus »

-       Edouard Cothenet – Petite vie de saint Paul  - Artège poche 2004 (réédité en 2021)

-       Marie-Françoise Baslez – Saint Paul artisan d’un monde chrétien – Pluriel 2012

-       Et diverses lectures (articles…) au fil du temps

Père Philippe Vivier

12/ Bonjour, je m'appelle Paul…

Et ces disciples de Jésus continuent de parler ! de guérir aussi ! Alors ils se sont à nouveau retrouvés en prison, d’où ils auraient été libérés mystérieusement. Arrêtés une nouvelle fois, ils ont été conduits devant les autorités, le Sanhédrin, dont est membre mon maître Gamaliel. J’étais avec lui quand il a pris la parole pour dire : « Ne vous occupez pas de ces gens-là, laissez-les. Car si leur propos ou leur œuvre vient des hommes, elle se détruira elle-même ; mais si vraiment elle vient de Dieu, vous n’arriverez pas à les détruire. Ne risquez pas de vous trouver en guerre contre Dieu. » (Ac 5,38-39).

Alors, après avoir été fouettés, ces hommes sont repartis librement avec la même consigne : l’interdiction de parler au nom de Jésus.

Personnellement, je pense que j’aurais été plus sévère que mon maître, car cette secte commence vraiment à troubler certains juifs de Jérusalem.

À suivre…

L’histoire de Paul Apôtre missionnaire du Christ (Tarse vers l’an 8 – Rome vers 68) est à suivre sur p-stpcn.com

1/ Bonjour, je m’appelle Paul…

… ou, plus justement, Saul. « Je suis juif, de Tarse en Cilicie, citoyen d’une ville qui n’est pas sans renom. » (Ac 21,39). Mes biographes estiment que j’ai vu le jour vers l’an 8 après la naissance de Jésus. Ma ville natale se trouve au pied du Taurus, une chaîne de montagnes qui, au sud de la Turquie d’aujourd’hui, surplombe la Méditerranée. Cette montagne est peuplée d’animaux sauvages : éléphants, lions, autruches… que les Romains capturent pour les jeux du cirque à Rome. La Cilicie est une province du vaste empire romain.

Tarse est une riche cité. Le fleuve Cydnos coule en son milieu. Son eau est froide et rapide. Une voie de dalles de pierre, construite par les esclaves de Rome, nous relie au monde. Elle facilite les échanges et le commerce tout comme notre port ouvert sur Alexandrie, Ephèse, Corinthe, Rome, l’Espagne… Nous pouvons ainsi vendre le minerai de fer extrait du Taurus, la laine de nos moutons, des rouleaux d’un tissus de laine et de lin mélangés, le vin de Cilicie, des aromates et des parfums que nous produisons.

Paul Tarse 3

2/ Bonjour, je m’appelle Paul…

Tarse, ma ville natale, connait une grande effervescence intellectuelle. Les Tarsiotes aiment la philosophie. Hélas beaucoup de jeunes vont se perfectionner dans d’autres grandes villes et bien peu reviennent une fois leurs études achevées.

« Circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu fils d’Hébreux, quant à la Loi, un Pharisien. » (Ph 3,5-6). Ma famille est originaire de Palestine. Arrivée à Tarse il y a bien des années, elle fait partie de la Diaspora (la dispersion) avec d’autres familles juives exilées en Asie, en Europe, en Afrique. Un de mes aïeux, ayant rendu service au pouvoir de l’Empire, a reçu la citoyenneté romaine. Transmissible de génération en génération, j’ai reçu ce titre dès ma naissance (Ac 22,25-28).

De nombreuses religions sont présentes à Tarse : culte à l’empereur romain, temples voués aux dieux grecs, religions à mystère avec leurs rites païens. A la maison, mon père, drapé de son talit (châle de prière) m’apprend la prière de notre peuple : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est le seul Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur… » (Dt 6,4)

3/ Bonjour, je m’appelle Paul…

5 ans : je fais ma rentrée à l’école juive. Dans la classe nous sommes assis par terre et nous apprenons à écrire sur nos genoux. Dans une armoire il y a les rouleaux en parchemin de la Torah, les livres saints de notre religion. Nous en apprenons des pages et des pages par cœur. Nous les récitons ensemble à haute voix en nous balançant d’avant en arrière. Nous avons aussi des cours de poésie. Plus grand je découvrirai la philosophie. A Tarse, l’école est en grec, mais nous apprenons également l’hébreu, la langue de nos pères dans la foi. Du groupe des pharisiens, j’apprends aussi les 613 prescriptions qui guident notre vie de chaque jour.

Quand je rentre à la maison, j’aime retrouver les bonnes odeurs de la cuisine de ma mère : le pain chaud sorti du four, le poisson ou l’agneau grillé, les sauterelles cuites à l’eau et au sel… Le dîner sera assaisonné de câpres, de cumin, de safran, de menthe, de coriandre. Tout cela est délicieux. Mais avant le repas nous prions. D’ailleurs, toute la journée, à la maison et à l’école, est habitée par la prière. Plusieurs fois par jour avec mes parents, mes professeurs, mes camarades, nous louons Dieu pour toutes ses bontés.

4/ Bonjour, je m’appelle Paul…

Il y a aussi l’atelier de mon père, avec les ouvriers, les clients, les odeurs des tissus en poil de chèvre, le cuir… !

Le père du père de mon père, le père de mon père, mon père à son tour sont "tisserands d’étoffes pour tentes" et "fabricants de tentes". Il y a de nombreux ateliers à Tarse car il faut beaucoup de ces toiles robustes pour des tentes individuelles, des bâches pour les chariots et les bateaux, des tentes d’apparat aussi pour les grandes réceptions.

Souvent, quand je rentre de l’école, je vais à l’atelier où mon père m’apprend son métier. Les compagnons me font découvrir mille astuces pour que le travail soit beau et moins fatigant. Il faut couper, assembler, coudre. Et tout cela se vit dans une ambiance d’histoires, de rires, de chants. J’aime ce travail. J’aime ce métier. Moi aussi je serai "fabricant de tentes". Je sais que je pourrai garder ce métier toute ma vie et qu’il me permettra de subvenir à tous mes besoins. Je sais que je pourrai l’exercer même si je voyage dans d’autres pays (cf. les voyages missionnaires de Paul dont 1Co 4,12 ; 1Th 2,9 ; Ac 20,34) 

5/ Bonjour, je m’appelle Paul…    

Quinze ans : un bel âge pour relever des défis. L’aventure qui se présente à moi est de taille : sept cent cinquante kilomètres à pied ! En effet, à la vue de mes résultats scolaires, mon père a décidé de m’envoyer à Jérusalem pour poursuivre mes études.

Me voici parti avec ma besace, que j’ai trop lourdement chargée et qui me scie l’épaule. J’ai pris mon manteau, protection contre le froid, couverture pour la nuit. Je pars un dimanche matin : j’ai ainsi six jours de marche devant moi avant le prochain sabbat. Direction l’est d’abord, puis le sud.

Mon père m’a conseillé de rejoindre d’autres marcheurs afin qu’ils me donnent des conseils sur l’état de la route et les embûches à éviter.

Au tiers du chemin j’arrive à Antioche, ville de cinq cent mille habitants. C’est la troisième ville du monde après Rome et Alexandrie. J’emprunte l’avenue de quatre kilomètres qui traverse la ville. Le théâtre taillé dans la roche, le cirque immense, le forum animé, le palais impérial… Moi qui pensais que Tarse, ma ville natale, était grande !

Voici l’heure de me trouver un abri pour la nuit. La route sera encore longue demain. Alors je dois refaire mes forces.

6/ Bonjour, je m’appelle Paul… 

Plein sud, le "Chemin de la mer" : cette voie ancienne est très fréquentée. On m’a dit qu’il ne faut surtout pas voyager seul car on risque d’être la proie de brigands. Alors, à la sortie d’Antioche, je cherche une caravane qui m’acceptera pour le voyage.

Cinq cents kilomètres encore avant le but. En chemin je suis attentif à être fidèle aux obligations de la prière. Je confie ainsi mon aventure au Créateur de toutes choses. Et il y a tant de choses à voir, de paysages à découvrir. Voici Laodicée et ses riches cultures, Byblos et son port, Césarée Maritime...

Je quitte la Méditerranée pour m’enfoncer dans les terres, à l’est. Encore deux jours de marche et me voilà en Judée puis, enfin, en vue de la ville sacrée.

" Quelle joie quand on m'a dit : « Nous irons à la maison du Seigneur » !
Maintenant notre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem ! " (Psaume 121).

Jérusalem : la ville sainte, la ville désirée par tout juif fervent. Les murailles, le Temple resplendissant dans la lumière du soleil, la forteresse Antonia, vaste caserne militaire, le palais royal… Mon pèlerinage prend fin : je suis en terre d’Israël, la terre de mes pères.

7/ Bonjour, je m’appelle Paul… 

Mes premiers jours à Jérusalem. Des membres de notre famille habitent une maison dans le dédale des petites rues serrées de la ville. Ils vont m’héberger un certain temps avant que je prenne pension chez mon professeur. Ce sont ainsi quelques jours de découverte de la ville sainte. Je peux admirer le chantier de restauration du Temple, commencé il y a plus de quarante ans sous les ordres d’Hérode le Grand et dont les travaux ne sont pas encore terminés.

Il me faut quand même préparer ma rentrée à l’école : « C’est ici, dans cette ville, que j’ai été élevé et que j’ai reçu, aux pieds de Gamaliel, une formation strictement conforme à la Loi de nos pères. » (Ac 22,3). Petits-fils de Hillel, qui a fondé une académie du courant pharisien libéral, Gamaliel est un des docteurs de la Loi les plus respectés de tout le peuple (Ac 5,34). Ses lettres sont lues dans des communautés juives… jusqu’à Tarse !  C’est ainsi que mon père a connu son enseignement.

Les étudiants vivent à la maison du maître. Nous devons l’appeler « père ». Auprès de lui nous apprendrons le droit, des notions de médecine, mais surtout nous étudierons les Livres Saints. Les cours seront en grec, en hébreux et en araméen.

8/ Bonjour, je m’appelle Paul… 

En ce temps de mes études, bien des courants du judaïsme se croisent, se rejoignent, se divisent et se disputent. Il y a nous, les pharisiens, qui cherchons à être proches du peuple pour le guider selon la Loi de Dieu transmise par Moïse (la Loi écrite) et les interprétations de nos pères (la Loi orale). Il y a les sadducéens, qui vivent plutôt à Jérusalem. Issus de grandes familles, ils cherchent à retrouver une influence politique. Ils se moquent de nous à cause de notre foi en la résurrection, aux anges et aux démons. Nous avons parfois des échos des samaritains, des frères éloignés et rejetés, qui adorent Dieu sur le mont Garizim et non au Temple de Jérusalem. On entend encore parler des esséniens et, en particulier, d’une communauté rassemblée dans le désert, à Qumran. Ceux-là condamnent le culte du Temple et considèrent qu’ils sont, eux, le temple de Dieu. Ils célèbrent, disent-ils, en communion avec les anges qui assurent la liturgie céleste.

Au-delà de tant de différences, nous appartenons tous au même peuple. Des repères fondamentaux nous unissent : la circoncision, le respect du sabbat, les règles de pureté, la lecture de la parole…

9/ Bonjour, je m’appelle Paul… 

L’enseignement donné par notre maître Gamaliel ne laisse pas trop de place à la discussion car sa parole est LA Vérité, et on ne discute pas LA Vérité. Élèves, nous devons être comme ces citernes domestiques dont on vient d’achever avec attention le revêtement intérieur afin qu’elles ne perdent aucune goutte d’eau.

Arrivé à quinze ans, je suis encore étudiant à vingt-deux. Je suis un élève passionné et je vais plus loin dans le judaïsme que la plupart de mes frères de race qui ont mon âge. Plus que les autres, je veux me préparer à défendre avec ardeur les traditions de nos pères (selon Ga 1,14).

Pendant ces années d’études, bien des mouvements populaires se forment en Palestine pour lutter contre la présence romaine. Dans notre pays certains ne rêvent plus que de chasser les Romains. Des groupes de résistants se forment qui sont vite écrasés. Les meneurs sont exécutés et les disciples se dispersent.

A Jérusalem on entend aussi parler d’un certain Jésus, prophète itinérant venu du village de Nazareth, et qui serait suivi par quelques disciples…

10/ Bonjour, je m'appelle Paul…

Une rumeur circule ces jours-ci dans certains lieux de Jérusalem. Le Jésus dont nous avions vaguement entendu parlé, soit disant prophète venu de Nazareth, a été crucifié à l’entrée de la ville, avec d’autres malfaiteurs, à la veille de ce dernier sabbat. Or certains de ses partisans font courir le bruit qu’il serait ressuscité au tout début de la semaine. Certains racontent que ce Jésus se disait le Messie de Dieu !

Il parait que sur sa croix, Pilate avait fait mettre une pancarte avec ces mots : Jésus le Nazôréen, Roi des Juifs. Une manière de se moquer encore du peuple juif. Qu’est-ce que cette idée de résurrection va encore apporter comme trouble dans notre ville ? Mais peut-être que cette nouvelle va s’étouffer aussi vite qu’elle est apparue. En tout cas elle ne m’empêche pas pour l’instant de poursuivre avec assiduité mes études.

 

11/ Bonjour, je m'appelle Paul…

Mais la nouvelle ne s’étouffe pas ! Le groupe de Galiléens venus à Jérusalem à la suite de Jésus continue à parler de leur Jésus ressuscité. Cette annonce rassemble de plus en plus d’adeptes.

Il paraît que deux d’entre eux, un certain Pierre et un autre Jean, ont guéri un mendiant, impotent de naissance. Alors qu’ils allaient au Temple pour la prière, il leur aurait réclamé de l’argent. Pierre l’aurait regardé et lui aurait dit : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus Christ le Nazaréen, marche ! » (Ac 3,6)

Ces deux-là se sont retrouvés à la prison du Temple. Le lendemain les grands prêtres leur ont interdit de parler de Jésus, mais il paraît qu’ils ont répliqué : « S’il est juste aux yeux de Dieu de vous obéir plutôt qu’à Dieu, à vous d’en juger. Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas publier ce que nous avons vu et entendu. » (Ac 4,19-20)